Interview Jonathan Moriame : Europe, Cercle 93, recrues… il nous dit tout sur le CNN

Interview de Jonathan Moriame

Directeur sportif du CN Noisy-le-Sec

réalisée par France Water-Polo

Une semaine après la qualification de Noisy-le-Sec pour la Coupe d’Europe, nous avons rencontré Jonathan Moriame, le directeur sportif du CNN, pour qu’il nous en dise un peu plus sur ce club très familial. Lui même a commencé en tant que joueur dans les petites catégories et a vu son club passer de la Nationale 3 à la coupe d’Europe. Au sein du CNN, il aura connu quasiment tous les postes, de joueur à directeur sportif en passant par entraîneur dans les jeunes catégories ainsi que chez les séniors. Il était donc le plus à même de nous parler de cette équipe et de ce qu’elle a réalisé cette saison.

France Water-Polo : Bonjour Jonathan et avant tout, merci de nous accorder ces moments pour partager avec nous cette qualification du club en Euro Cup. Noisy-le-Sec en coupe d’Europe, c’est énorme, non ?

Jonathan Moriame : C’est bien, mais sans être rabat-joie, je rappelle que la cinquième place était l’objectif initial. Cela nous est déjà arrivé en 2007 mais différence fondamentale, nous venions de monter de Nationale 1 et à la surprise des autres clubs, nous avions atteint directement la 5ème place, nous causant au passage pas mal de problèmes pour les années suivantes.

Il est toutefois très intéressant de mettre en parallèle les deux générations. Les équipes se composent de joueurs formés au club mais pas dans les mêmes proportions : 11 sur 13 en 2007, 6 sur 14 (dont 4 ayant eu leur première licence au club) en 2019. Cela prouve quand même, que l’ADN du club a été maintenu tout en le professionnalisant. Nous sommes fiers de cette situation de club formateur.

Ce qui devient énorme pour nous c’est d’avoir pu faire revenir les amateurs de water-polo dans les tribunes de Bobigny et ensuite de Montreuil. Nous avons réussi à fédérer autour de notre équipe un groupe incroyable de bénévoles engagés, de partenaires qui nous aident au quotidien, toute une ville qui vibre à nouveau avec le water-polo. De cela, nous sommes également extrêmement fiers.

FWP : Est ce que vous y pensiez au début de la saison ou ce n’était qu’un rêve difficilement atteignable ?

JM : Nous n’allons pas nous mentir, au vu des forces en présence nous savions que nous avions un coup à jouer pour la cinquième place mais à ce moment cette place n’était pas qualificative pour la coupe d’Europe, ceci a rajouté du piment à cette fin de championnat.

Durant cette campagne, nous sommes passés par tous les états. Dès l’une des premières journée, contre Nice où nous menions 8-5, pour les voir revenir à 8-8 en fin de match (Voir les buts du match), je savais que ce serait difficile. Après les défaites à Nice et à Tourcoing, j’ai un temps cessé de croire à ce classement. Mais grâce à la détermination de Milo et des joueurs nous avons pu finir en trombe cette fin de saison avec un match nul historique contre Marseille (Voir les buts du match) et la première victoire contre Montpellier à la maison (Voir les buts du match). Nous avons ensuite vécu un quart de finale incroyable contre Montpellier où ça se joue à rien du tout et nous perdons d’un point.

Enfin, ce fut l’apothéose avec ce match couperet contre Tourcoing qui nous qualifie pour la coupe d’Europe. Je ne m’attendais de plus pas à un tel niveau de l’équipe de Tourcoing. J’en profite d’ailleurs pour féliciter son entraîneur Jonathan et ses qualités de meneur d’homme. Ce fut une année vraiment forte en émotions.

FWP : Tu as connu tous les postes au CNN. Tu as commencé chez les jeunes où tu as vécu les premiers titres nationaux du club, puis fait tes débuts en Nationale 3 jusqu’à monter l’équipe première en Elite et jouer la première coupe d’Europe du CNN en 2007. Puis tu as pris le poste d’entraîneur et celui de directeur sportif ces dernières années. On imagine que c’est fort pour toi l’enfant du club, non ?

Jonathan Moriame aura tout connu au sein du CN Noisy-le-Sec (Crédits photo : Léa Sangiorgio Decamp)

JM : J’ai surtout, durant tout ce temps, fait des erreurs de communication avec les gens proches du club. Je me suis ainsi trompé en revendiquant haut et fort que c’était MON club, alors que je ne le pensais même pas. Je me suis retrouvé un moment esseulé. C’est durant la préparation des JO que je me suis retourné sur ma carrière et que je me suis rendu compte qu’il fallait changer quelque chose. J’ai commence à accepter qu’on m’oriente, que l’on m’aide sur le devenir du club. J’ai repris contact avec des anciens du club qui maintenant m’aident au quotidien pour faire les bons choix. Je suis heureux de voir mes anciens éducateurs, entraîneurs, coéquipiers venir et supporter NOTRE club. Je suis fier de voir tous les gamins installer, préparer le champs de jeu des plus grands, je suis ravi de voir que les pros viennent faire la table de match les dimanches après-midi pour les gamins.

Enfin « Les polos rouges » du club, ils sont une vingtaine ! Vous les voyez graviter autour du bassin, et ce sont eux le club de Noisy. Tout ça c’est fort pour moi.

FWP : Quels seront les objectifs de la saison prochaine pour le championnat et la Coupe d’Europe ?

Sébastien Viriot avec les U15 de Noisy-le-Sec (Crédits photo : Facebook CNN Water-polo Noisy-le-Sec)

JM : On avance tranquillement, mais on avance. L’objectif du club est maintenant de finir le championnat entre la 3ème et la 5ème place et de continuer à jouer la coupe d’Europe. Mais, en tant que directeur technique, il y a d’autre objectifs. Nous serons heureux de voir de nouveaux internationaux chez les jeunes U15 et U17. L’identité du club en découle. Grâce à cela, nous allons remonter sur les podiums nationaux. Nous avons toute confiance sur le travail de Sébastien Viriot qui a échoué au pied du podium en U21.

Nous avançons également sur la construction du cercle 93 avec nos amis de Saint-Denis et de Livry-Gargan (qui l’eut cru???). C’est un groupe de dirigeants intelligents et compétents, des dirigeants modernes qui ont posé les bases d’un projet important de mutualisation à l’aube de paris 2024. Nous pouvons ainsi travailler sur l’accession au haut niveau tout en proposant des alternatives à nos gamins qui pourront, dans un futur proche, évoluer chacun à leur niveau de compétence.

Enfin nous avons la volonté, avec le Cercle 93, de développer la pratique féminine : nous avons déjà réussi créer un pôle de 60 filles. Il nous faut maintenant transformer l’essai et monter une équipe première digne de ce nom. Nous espérons le faire après les JO de Tokyo, dans des conditions équivalentes à celles des garçons, notamment en terme de qualité de travail ou de statut. Le club n’est donc pas qu’une équipe première mais a aussi de beaux projets au-delà de sa vitrine.

FWP : Dans les réseaux sociaux et dans les tribunes, tous les anciens joueurs ou dirigeants sont encore là derrière l’équipe première. Quel est le secret pour avoir une si grande famille ?

JM : C’est magnifique à mes yeux. Je me suis construit à travers ce club et ses valeurs. On a tout connu. J’ai joué à Argentan, Herouville, Niort, Orsay etc.  J’ai joué la coupe d Europe à Barcelone, je suis rentré dans le stade Maracàna à Rio, et je suis comme un gosse quand je vois mes premiers entraîneurs dans les tribunes de Montreuil. On ne s’est jamais pris au grand sérieux, notre génération spontanée a tout gagné. Ensuite plusieurs internationaux ont suivi avec les différentes générations. Aujourd’hui, nous en sommes à 35 internationaux jeunes et A (dont une fille). C’est fabuleux, non pas seulement par le nombre mais plus encore par la fidélité qu ils ont pour ce club. On peut parfois critiquer les individus mais l’institution ne l’est jamais, c’est leur club à vie et ils y reviennent toujours. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut être parce qu’ici, le gamin devient le joueur, le joueur devient l’entraîneur, l’entraîneur devient le dirigeant. On a commencé tout en bas et chacun a apporter sa pierre à l’édifice.

Le dernier exemple en date : Boris Bourgogne, enfant du club. Durant l’année, il m a cassé les c…… et il n’en a pas foutu une. Lors de son dernier match contre Tourcoing, c est lui qui nous remet dedans (2 buts, 1 pénalty obtenu, 2 passes décisives), il a été monstrueux de détermination. Je pense qu il s’est dit « c est mon club ça m appartient aussi, je dois faire un truc ». Il l’a fait.

Pour le plus grand regret du club, Boris Bourgogne a mis un terme à sa carrière de joueur (Crédits photo : WP Inside)

FWP : Le club évolue d’année en année et commence à avoir un rôle important dans le haut de tableau du championnat. Entre les JO 2024 et l’hypothèse d’un bassin de 33 x 20 mètres réservé au club, le CN Noisy-le-Sec semble avoir le potentiel pour devenir l’un des grands de ce championnat de France, voire même au niveau européen. Quelles sont les ambitions à court, moyen et long terme ?

JM : Les objectifs sont simples et regroupés dans une formule. Nous voulons être parmi les 4 premiers d’un championnat où l’équipe nationale fait partie des huit meilleures nations mondiales. Nous sommes un club avec nos intérêts mais nous n’oublierons jamais l’intérêt commun, qui est l’équipe nationale. J’y ai passé 12 ans avec des mecs incroyables. On a tout connu. Maintenant 2024 doit nous aider à rentrer parmi les meilleures nations. Pour cela il faut que les clubs soient forts. Ils sont la cheville ouvrière de l’équipe de France. J’en profite pour féliciter le CN Marseille pour sa victoire historique en Euro Cup. Mais on doit aider les clubs à se structurer et à se professionnaliser, et je pense que le fait d’avoir un championnat fort aidera l’équipe nationale à avancer.

Maintenant, pour Noisy, si une porte s’entrouvre pour être un jour champion de France tant mieux (comme Ivry au handball il y a une dizaine d’années). J’espère juste que ce sera parce que nous serons plus forts et non les moins mauvais. Vous parlez d évolution du club et des perspectives mais il me semble qui il est important de  rendre hommage à trois personnes de cette aventure.

Le premier c’est Milo Zmukic. Ce n’est pas facile d’entraîner à Noisy. Les gens sont passionnés et souvent ça manque de calme et de sérénité. Mais il a su gérer tout ça et des fois sans doute pris sur lui.

La deuxième c’est Julie Eissen. Sans elle il ne se passe rien. C’est elle qui a insufflé la dynamique et on sent que grâce à elle le water-polo français se fédère. Elle est respectée et cela bien qu’elle ne vienne pas du monde du water-polo. Je vais m arrêter là car je risque de ne pas être très objectif…

Enfin il faut le dire, et tant pis si on me dit que je fais de la politique mais il faut remercier Laurent Rivoire, Maire de Noisy-le-Sec, un homme incroyable, un amoureux de sa ville, du sport en général et maintenant du water-polo, dont il en parle mieux que certains aficionados. C’est simple, il était là… partout. Ne galvaudez pas le mot « partout ». Il était là à Senlis en 2011 pour la montée en pro A.  Il était là à Belgrade pour le championnat d’Europe, à Trieste quand Mehdi a mis le penalty victorieux. Il connaît toutes les piscines de France grâce à nous. Il est même venu aux championnat UNSS S15 à Auxerre. Il veut le mieux pour sa ville. Il s’est bagarré pour avoir une piscine aux dimensions incroyables. Grâce à lui le monde entier viendra s’entraîner à Noisy en 2024. Lorsqu’on est un professionnel du water-polo comme moi, il est incroyable d’avoir un élu passionné comme lui.

Igor Szabo, ancien capitaine du CNN, entouré de la Présidente, Julie Eissen, et de M. le Maire de Noisy-le-Sec, Laurent Rivoire

Mais le plus important, c’est que dans un département où un gamin sur deux ne sait pas nager, les Noiséens pourront grâce à ce Maire, venir apprendre à nager dès le plus jeune âge. Et qui sait, nous pourrions trouver quelques Marzouki dans le lot.

FWP : Pour la saison prochaine, on entend déjà parler de beaucoup de mouvements. Est-ce qu’il y a déjà un ou plusieurs noms qui sortent du chapeau parmi les arrivées ?

L’international français, Mathieu Peisson, est le premier renfort noiséen pour la saison prochaine (Crédits photo : Léa Sangiorgio)

JM : Tout le monde le sait, c’est officiel. Mathieu Peisson va venir l’année prochaine. J’en suis très heureux.
Plus que son expérience et sa qualité de joueur, c’est son amour pour le water-polo et ses qualités humaines qui m’ont motivées à le faire venir.

L’année dernière, je voulais déjà qu’il vienne. Il avait préféré alors rester à San Andreu. N’importe quel entraîneur voudrait un joueur comme Mathieu Peisson dans son équipe. Mais ce qui me plait encore plus, c’est que les gamins vont l’adorer. Nous travaillons sur l’identification dans notre club. Avec un mec comme lui, les gamins viendront le voir et voudront faire comme lui. C’est génial pour un club formateur.
On a tous été fan de Mathieu mais on ne le lui a jamais dit. Quand il prend la balle en main il va toujours se passer quelque chose. Alors ce ne sera pas facile tous les jours, mais je sais aussi que quand il enfile le bonnet c’est pour gagner.

Pour le reste on avance, on attend la fin de saison des différents championnats pour officialiser des venues. Nous ferons ce qu’il faut pour avoir une équipe en adéquation avec nos objectifs.

FWP : Nous avons l’habitude de terminer nos interviews par la question «vachement con». Dans son club, vaut-il mieux avoir Jonathan Moriame en tant que joueur, entraîneur ou directeur sportif ?

JM : Joueur, j’étais beaucoup plus beau.

Actualités 20 mai 2019