Mark Koganov, Vice Président du TWPC, nous explique pourquoi ces nouvelles règles

Après avoir été joueur de l’ex Union Soviétique, puis arbitre FINA, Mark KOGANOV est désormais Vice Président du Comité Technique de la LEN pour le Water-polo, (TWPC). Il est devenu un des grand nom du Water-polo mondial. Il a été à de nombreuses reprises considéré comme un des meilleurs arbitres mondiaux. Outre les différents Championnats d’Europe et du Monde, il a représenté l’Azerbaïdjan, comme arbitre neutre, lors des derniers JO de Rio.

Mark KOGANOV est donc l’un des principaux acteurs de l’élaboration des nouvelles règles du Water-polo qui devraient apparaitre ces prochains mois (Voir l’article « Nouvelles règles qui seront testées avant d’être validées« ). Nous lui avons posé quelques questions afin de mieux comprendre l’orientation des ce nouveau règlement.

 

Bonjour Monsieur Koganov. Merci d’avoir accepté de nous offrir un peu de votre temps pour répondre à nos quelques questions sur ces nouvelles règles. Tout d’abord, pourriez-vous nous expliquer les conférences de la FINA et à quelle fréquence elles ont lieu ?

Les conférences sont des événements très complices et coûteux, donc ils ne sont pas programmés régulièrement, mais plutôt lorsque c’est nécessaire. La FINA a eu une conférence de Water-Polo il y a 4 ans à Cancun (Mexique), mais celle d’avant avait eu lieu dans les années 90. Celle de Cancun n’a pas apporté les résultats espérés. Du coup, une autre conférence a été demandée par le président de la FINA, J.Magleoni, lors du dernier congrès de Water-Polo à Budapest l’été dernier. C’est dire l’importance que donne la FINA au Water-Polo.

Qui participe à ces conférences ?

Toutes les parties prenantes de notre sport sont impliquées dans ces conférences : toutes les Fédérations nationales du monde entier, entraîneurs, joueurs, arbitres, administrateurs, experts de la télévision, marketing, médias, et bien sûr le comité technique Water Polo (TWPC) et la FINA.

Adam Krikorian, élu à plusieurs reprises meilleur entraineur du monde chez les Femmes, propose lui aussi ses idées pour le développement du Waterpolo

En plus du règlement, quels sont les sujets abordés lors de ces conférences ?

Les nouvelles règles n’étaient qu’une partie de l’ordre du jour. Nous avons également évoqué le développement du jeu dans le monde, l’évolution des règles du Water-Polo, le changement de système des compétitions, une approche différente de la télévision, des médias sociaux, du marketing, de l’utilisation des nouvelles technologies, de la présentation, de l’expérience des autres Fédérations Internationales Sportives, de nouveaux projets (comme le Water-Polo plage).

D’un point de vue technique, comment les nouvelles règles ont-elles été créées ?

Le processus a commencé il y a 5 mois avec la réunion des représentants de la FINA et du TWPC avec les entraîneurs, les arbitres et d’autres experts, à Barcelone. Nous avons créé des groupes de travail cherchant à développer certaines idées sur différents aspects du jeu : les règles, les différents événements, la réécriture des règles existantes, la technologie, le développement de la discipline. Le groupe qui travaillait sur les propositions de nouvelles règles était composé des meilleurs entraîneurs (en activité ou non), de certains experts actuels et de membres du TWPC. Toutes les idées retenues lors de cette réunion à Barcelone ainsi que lors d’autres discussions (autres réunions, conversations sur Skype, résultats de l’enquête du TWPC sur les règles) ont été proposées lors de cette Conférence et nous avons pu débattre dessus. Ainsi, la FINA a essayé de recueillir toutes les opinions et idées possibles afin d’écouter au mieux toutes les parties prenantes de notre sport et venant du monde entier. Cela a été fait de manière transparente et ouverte.

Si certaines nouvelles règles proposées semblent pertinentes, ne pensez-vous pas que d’autres vont être très lourdes à mettre en place et rendre encore plus difficile l’arbitrage d’un match ? Ceci ne va-t-il pas aller contre cette volonté d’accélération et de fluidité du jeu ?

L’intention des nouvelles propositions est d’avoir moins d’interruptions sur le jeu, plus d’actions que de situations statiques, décourager la défense de s’encrasser, rendre le jeu compréhensible pour le grand public. Le TWPC a décidé d’abord de mettre en place les règles qui peuvent être facilement ajustées pour les arbitres et les équipes, et de tester plus longtemps celles qui semblent plus radicales.

Les arbitres justement vont être plus que jamais acteurs du match. N’ont-ils pas trop d’influence sur le jeu et l’évolution d’un match ?

Les arbitres n’auront certainement pas plus d’influence. Notre intention était de réduire l’influence sur le jeu des arbitres et certaines des propositions vont dans ce sens.

Dans le cadre de ce désir de rendre le jeu plus rapide et technique, réduire la dimension du terrain et revenir à 25m avait été évoqué par le passé. Ce point n’apparait pas dans les nouvelles directives proposées, qu’en est-il ?

Tous les experts sont arrivés à la conclusion, il n’y a pas si longtemps, que la taille de la balle et le champ ne sont pas un problème. Nombreux d’entre eux pensait que le jeu serait bien différent avec cette règle et que certains principes de base en seraient affectés. Un ballon plus petit rendrait les tirs dangereux pour les gardiens de but et pourrait entraîner de graves blessures.

Il y a deux an, de nouvelles règles ont été testées lors des Championnats du Monde U18, à Podgorica. Pourquoi ont-elles été abandonnées ?

Le problème était que les données statistiques de cette compétition et les analyses n’étaient pas correctement effectuées. La proposition complète n’a jamais été testée lors des compétitions seniors, sauf en ce qui concerne le terrain de 25 m. Alors, comment était-il possible d’en discuter sans faits ni chiffres concrets entre les mains?

Lors des Championnats du monde U18 à Podgorica, certaines règles, comme jouer sur 25m, ont été testées

Quand vont-être testées ces nouvelles mesures et quels vont être leurs critères d’évaluation pour déterminer si elles sont définitivement adoptées ou non ?

Vous pourrez retrouver la présentation que j’ai faite, lors de la Conférence, sur les tests des règles proposées (Retrouvez les en cliquant ici). En bref, il y a peu d’étapes à tester : une commission spéciale composée de membres de TWPC, d’entraîneurs et d’arbitres sera créée pour évaluer les DONNÉES issues des matchs tests. Cette commission recommandera ou ne recommandera pas certaines propositions lors du Comité Technique du Water-Polo de la FINA. Le TWPC devra approuver ou rejeter ces propositions et les envoyer au Congrès extraordinaire de la FINA Water-Polo en novembre 2018 pour approbation finale.

Pensez-vous que ces nouvelles règles auront un effet sur la hiérarchie mondiale ? Certaines nations n’en profiteront-elles pas plus que d’autres en raison de leur type de jeu (vitesse, physique …) ?

Nous espérons que les nouvelles règles, ainsi que l’application des règles telles qu’elles sont rédigées, donneront l’opportunité à plus de pays d’être compétitifs au plus haut niveau et nous verrons plus d’équipes s’affronter pour les médailles. C’est l’un de nos principaux objectifs à atteindre.

D’un point de vue plus général, que pensez-vous de l’évolution du Water-polo cette dernière décennie ?

Selon moi, le jeu a beaucoup plus tendance à se développer vers le côté physique et moins technique. Nous voyons de moins en moins d’individus, de stars, de personnages. Tous les joueurs font les mêmes passes, les mêmes frappes, jouent les mêmes schémas tactiques. Vous ne pouvez pas distinguer une équipe d’une autre si vous ne savez pas qui joue. Le jeu est devenu moins attrayant pour le public parce qu’il ne comprend pas pourquoi il y a eu un coup de sifflet dans cette situation et aucun sifflet dans exactement la même situation sur l’action qui suit. Si l’on exclut les grands événements, on voit de moins en moins de spectateurs pendant les matchs de Water-Polo et les grandes chaines de télévision ne diffusent plus de matchs de championnats nationaux, même dans les grands pays du Water-Polo. Tout cela est très alarmant.

L’un des objectifs de ces nouvelles règles est de réduire la brutalité

Il a été évoqué à plusieurs reprises que le Water-polo risquait de ne plus être une discipline olympique dans le futur. Est-ce vrai ? Quelles en sont les raisons ?

Le Comité International Olympique (CIO) examine de temps en temps chaque sport en ce qui concerne le programme des Jeux Olympiques. L’un des critères majeurs est l’UNIVERSALITÉ du sport. Si le jeu n’est pas développé sur tous les continents, si pendant des décennies en compétition majeure il n’y a de médailles que du même continent, si le jeu n’est compréhensible que par un petit nombre d’experts, si les nouvelles technologies ne font pas partie du jeu, cela pousse le CIO à reconsidérer le sport dans le programme olympique. Il y a une longue liste de fédérations qui attendent d’être incluses dans le programme olympique. Ces fédérations sont prêtes à tout pour être aux Jeux Olympiques. Nous avons le sport qui est le premier sport d’équipe inclus dans le programme olympique, nous faisons partie intégrante de l’histoire des JO modernes. Mais cela ne nous donne pas l’immunité. Nous devons donc être très prudents et proactifs à cet égard.

Quels sont les axes de développement du Water-polo par la FINA pour 2020 et 2024 ? Quels moyens vont être mis en oeuvre pour y parvenir ?

L’un des principaux axes serait de développer le Water-Polo dans différentes régions du monde, pour engager les jeunes générations dans notre sport le plus tôt possible. La FINA a déjà approuvé une nouvelle compétition, « Open World Championships U16 », qui sera, je tiens à souligner, ouverte à tous les pays sans aucun tour de qualification. Nous espérons pouvoir mettre en place cet événement dès 2019. Et après cela, la FINA pourra en faire autant dans les catégories encore plus jeunes. Nous allons restructurer les compétitions existantes avec désormais 20 et même 24 équipes qui participent aux championnats du monde, en offrant une qualification directe, aux événements majeurs, à certaines nations en phase de développement. Il y a d’autres grands projets comme développer le « Beach Water-Polo ». C’est un concept qui se développement dans de plus en plus de disciplines car c’est dynamique, simple, peu coûteux et amusant. Je suis très heureux d’annoncer la décision du Bureau de la FINA d’organiser les premières compétitions de « Beach Water-polo » lors des prochains Championnats du Monde, en Corée de Sud, en Juillet 2019. Il y aura 6 équipes Masculines et 6 équipes Féminine. Voilà les principales orientations de notre sport dans les prochaines années.

Nous avons coutume de terminer toutes nos interviews par la « question vachement con »: quelle sera votre favori, cet été, aux Championnats d’Europe de Barcelone ? Mon équipe préférée a toujours été et sera l’équipe d’arbitres. Je suis leur plus grand plaisir !!!

Crédits Photo : Waterpoloplanet

Interviews 16 mai 2018