Michael Bodegas, « il est l’heure de me lancer un nouveau défi »

Michael Bodegas quitte le Pro Recco,

Interview réalisé par France Water-polo.

France Water-polo : Beaucoup voyaient Recco comme le grand favori de la Ligue des Champions cette année, qu’est ce qu’il a manqué à l’équipe pour décrocher son 7ème titre en 20 ans ?

Michael Bodegas : Il est très difficile de trouver une explication. Une chose est certaine, c’est qu’avec l’équipe alignée chaque année, on peut qualifier ça de contre performance. Cela fait maintenant 4 ans que Recco court après ce titre et n’a accédé qu’à une seule finale depuis 2015. L’équipe survole le championnat et les phases de poules de la Ligue des Champions chaque année et par conséquent, ne vit pas de moments difficiles au court de la saison. Puis il y a aussi le fait que l’équipe change constamment. Avec un effectif de 18 joueurs dont 2/3 qui ne jouent que la Ligue des Champions, il est difficile de créer une équipe.
Mon avis personnel est que le noyau dur de Pro Recco devrait être l’équipe nationale d’Italie à laquelle on ajouterait des étrangers pour aider et non le contraire. A la manière de Barceloneta, Olympiakos ou même Ferencvraos.

F.WP :  Avec Brescia et Sport Management comme adversaires directs en Italie, le reste de la division semble être plus qu’un ton en dessous de ce Big 3 que vous formez. Le manque d’équipes compétitives dans le championnat a-t-il une influence sur ce résultat en coupe d’Europe ?

M.B. : Non, je ne pense pas. Les équipes citées au dessus font partie des équipes les plus performantes de la Ligue des Champions. L’Italie était la nation avec le plus de représentants durant le Final 8.
Les autres équipes sont certainement un ton en dessous, mais les matchs sont quand même de qualité. Le seul championnat plus compétitif est peut être le championnat hongrois.

F.WP :  Nous avons appris que tu allais quitter le Pro Recco, c’est un peu comme quitter le Real Madrid au football et une grande page de ta carrière qui se tourne, quels sont tes premiers mots ?

M.B. : Oui, une page se tourne. Le club m’a proposé une prolongation, que j’ai décliné. Je remercie la société de m’avoir donné l’opportunité de jouer dans le club le plus titré au monde. Dans ce club sont passés tous les plus grands noms du water-polo moderne: Rollan, Vujasinovic, Kasas, Benedek et j’en passe. Je suis arrivé sur la pointe des pieds, j’ai travaillé énormément avec comme objectif d’être à la hauteur de mes coéquipiers. Ce qui m’a permis d’être protagoniste dans toutes les finales que j’ai disputé. Ma plus grande satisfaction est d’avoir gagné le respect de tous ces grands champions. Mais il est l’heure pour moi de me lancer un nouveau défi, dans un nouveau championnat.

F. WP : Maintenant se pose légitimement la question de ta future destination ? On a entendu des rumeurs qui t’envoient à Brescia, Barceloneta puis maintenant l’Olympiacos. Quelle est la tendance ?

M.B. : Aujourd’hui les deux équipes qui montrent le plus d’intérêt à mon égard sont Barcelone et Olympiakos. Cela fait trois ans que chaque été, le club d’Athènes essaie de me convaincre de les rejoindre. Ils sont vainqueurs de la Ligue des Champions 2018 et finaliste 2019. C’est un club qui transpire la passion et j’ai un profond respect pour leur entraîneur qui selon moi sait tirer le meilleur de ses joueurs.
Barcelone est aussi un prétendant sérieux. Je discute avec eux aussi depuis quelques années. C’est un club sérieux, champion d’Espagne et qui propose un projet sérieux.
Puis il y a peu de clubs qui offrent une équipe compétitive et une bonne qualité de vie. Brescia est l’équipe qui m’a mis en lumière au niveau Europe, j’ai une affection profonde pour ce club et cette ville.
Puis il y a aussi Marseille, un retour à la maison n’est jamais à exclure. Ils sont entrain de créer un beau projet par l’intermédiaire de leur président et de Frédéric Audon avec qui je suis toujours en contact. Romain Burle et Romain Barnier mettent les joueurs dans des conditions optimales pour affronter le haut niveau. Et Marc Amardheil et Jean-Marie Olivon proposent un jeu vraiment intéressant. Affaire à suivre…

F.WP :  Est-ce que jouer la Ligue des Champions est fondamental dans ton futur choix ?

M.B. : Jouer la Ligue de Champions pèse évidemment sur ma décision pour la simple et bonne raison que je cours après ce trophée depuis trop de temps maintenant.

F.WP :  Quel est ton plus beau souvenir avec Recco ?

Probablement la finale « Scudetto » de cette saison.  J’avais déjà pris la décision de quitter le club, le fait de savoir que c’était probablement la dernière fois que je portais le bonnet de la Pro Recco m’a profondément ému.

F.WP :  Quel est le coéquipier qui t’a le plus marqué pendant ces quatre années ?

M.B. : C’est difficile d’en choisir un seul, j’ai joué avec la crème de la crème.  Je dirais Filipovic pour son professionnalisme et sa mentalité. Il s’entraîne tous les jours comme si c’était la finale des JO.
Tempesti pour l’humilité et son palmarès, Ivovic parce qu’il est au dessus physiquement.
Mais le plus talentueux avec qui j’ai eu la chance de jouer reste pour moi Sandro Sukno. Côtoyer tous ces gars au cours de ces années à été un privilège.

F.WP :  On parle souvent de la rigueur italienne dans le sport de haut-niveau, comment as-tu vécu celle-ci lors de ton arrivée en Italie ?

M.B. : La rigueur Italienne est en réalité très proche de celle que j’ai pu vivre au Cercle des Nageurs de Marseille. Quand ton club a la victoire dans son ADN, il est difficile de penser autrement.
En arrivant à Brescia, je n’ai pas été surpris par la charge de travail. La seule chose qu’il m’a fallut assimiler rapidement, c’est qu’en tant qu’étranger tu as une responsabilité en plus. Puis ils sont aussi beaucoup axés sur la tactique.

F.WP : Les méthodes d’entrainement italiennes sont-elles différentes par rapport aux françaises ? Ont-elle des similitudes ?

M.B. : Chaque entraîneur a sa méthode mais ce que j’ai vécu en France n’est pas loin de la réalité Italienne. Les 4/5 h par jours sont le minimum. Seul le nombre de matchs de haut niveau change.
L’année olympique cela peut aller jusqu’à plus de 100 matchs dans une saison.
En équipe nationale c’est différent. Avec Monsieur Campagna,  nous avons la réputation de nous entraîner beaucoup plus que les autres.
Le staff est en étroite relation avec des médecins et scientifiques qui mettent à disposition de la fédération énormément d’instruments de mesure. (Nutritionniste, GPS, Électrocardiogramme…)
Ce qui permet d’adapter les entraînements à chaque athlète.

F.WP :  La concurrence est rude en sélection italienne, un départ éventuel d’Italie ne serait-il pas néfaste pour ta visibilité vis-à-vis de l’équipe nationale ?

En mars j’ai communiqué mon désir de quitter Recco et le championnat italien à mon sélectionneur, Sandro Campagna.
La saison prochaine est une saison particulièrement longue avec énormément de matchs: championnat, Champions League, World League, championnat d’Europe en janvier , qualification pour les Jeux puis en août Jeux Olympiques.
Je l’ai déjà vécu en 2016 et je vous garantie qu’il faudra être prêt mentalement et physiquement pour affronter cette saison. Pour cela il est important de se sentir bien et épanoui dans son quotidien.
Bien sûr il est important de rester dans une équipe compétitive afin de rester au contact du haut niveau. J’ai la chance de pouvoir jouer dans plusieurs positions et avec un effectif réduit à 11 joueurs aux Jeux Olympiques, je pense pouvoir apporter beaucoup à l’équipe.
A moi d’être en forme et prêt au moment voulu. Ce qui importe au sélectionneur est de gagner, rien d’autre.

F.WP :  On termine toujours nos interviews par une question vachement con : avant les matchs, tu es plutôt pâtes/fruit ou grosse pizza ?

M.B. : S’il y a bien un truc qui risque de me manquer c’est les spécialités culinaires de Recco, “Focaccia al formaggio” et la “pasta al pesto”.

Interviews 1 juillet 2019